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samedi 30 juin 2007

Consommer intelligent !

Bio, éthique et durable

Nous sommes tous schizophrènes. Consommateurs, mais aussi citoyens effarés par la dégradation de notre environnement, les inégalités de la mondialisation et la menace du réchauffement climatique. La solution ? Consommer mieux. Mais oui, c'est possible ! Sans renoncer à la qualité et au style, comme le prouve le supplément guide proposé par « le Nouvel Obs » pour s'y retrouver dans une offre foisonnante... Et pour décrypter la stratégie des multinationales qui, elles aussi, se lancent à la poursuite des « alterconsommateurs »

C'est un gentil pingouin vert avec un gros M sur lui... Pour sa mascotte, l'enseigne citybobo Monoprix a choisi l'animal le plus tendance du moment. Entre « la Marche de l'empereur » et « Happy Feet », on se demandait pourquoi ce bipède dandinant enflammait les coeurs. La réponse était sur le site de Monoprix : le manchot, « personnage emblématique et attendrissant » dont « le mode de vie n'est pas sans rappeler le nôtre » ( ah bon ?), est l'un de ceux qui souffrent le plus des atteintes à l'environnement. Cette première victime collatérale du réchauffement climatique est donc tout simplement l'emblème de l'engagement de Monoprix en faveur de la génération DD. DD, comme développement durable. Oubliez la semaine du blanc ! Cette année, c'est la semaine du vert, alias la semaine génération DD, qui a fait le plus grand tintamarre promotionnel. Car chez Monoprix on ne jure plus que par le vert : l'enseigne a été la première à mettre en avant les Max Havelaar et compagnie, mais elle a son propre label, Monoprix Bio et Monoprix Vert. Elle a sa ligne d'habits en coton bio et équitable, qui font un carton ( + 50 % en 2006 ). Ses voitures de livraison roulent au gaz naturel. Vive les pingouins, décidément... On les appelle les DD. Les alterconsommateurs. Les « créa cul » - pour « créatifs culturels » ( lire notre encadré p. 14 ) . Ou, plus pointu, les lohas : Lifestyles of Health and Sustainability ( modes de vie autour de la santé et du développement durable ), un nouveau mouvement qui fait fureur aux Etats-Unis et au Japon, où se multiplient les cafés et les magazines lohas. « Aux Etats-Unis , le marché loha représente au bas mot 200 milliards de dollars : plus aucune marque ne peut désormais l'ignorer », dit ainsi Gwyne Rogers, de Natural Marketing Institute, un institut d'études américain. Qui va lancer une étude - encore une ! - sur les lohas européens. Une tribu qu'on ne peut désormais plus rater. En témoigne l'ouverture début juin de Whole Foods Market, à Londres, le plus grand supermarché bio d'Europe, avec queues interminables et scènes d'émeutes et de piaillements. Qui aurait cru que les couches sans chlore et les pains au millet biologique déclencheraient la même frénésie que Kate Moss chez TopShop ou Lagerfeld chez H & M ? Qu'on se le dise, être écolo est au top de la tendance. Regardez Al Gore. Depuis qu'il s'est métamorphosé en héraut anti-CO 2, l'ex-loser à la présidentielle est désormais « la nouvelle rock star américaine » pour le « Washington Post ». Fêté aux Oscars pour son documentaire, Gore est devenu le chouchou du milieu de la mode, qui se l'arrache pour ses défilés : le designer Marc Jacobs vient même de sortir des tee-shirts « Al Save Us » ! Les stars en tout cas votent déjà pour Al. Le magazine glamour « Vanity Fair » a consacré au printemps un numéro spécial vert aux célébrités les plus écolos. George Clooney, Robert Redford, ou bien Leonardo DiCaprio, dont le prochain film, « la 11 e Heure », est consacré au réchauffement climatique : l'idole des filles est aussi total-DD dans sa vie, il roule en hybride, s'est converti à l'énergie solaire... En Angleterre, les ravissantes Heather Graham et Sienna Miller ne jurent plus que par le CO 2 workout , le régime anti-CO 2, qui vous fait réduire non votre apport calorique, mais vos émissions de carbone. Et ce mois-ci, c'est « Rolling Stone » qui lui aussi offrait à ses lecteurs un numéro vert : ozone, sex and rock'n'roll.


S'afficher plus vert que vert ? Les grandes entreprises ont entendu le message. Le pétrolier BP s'est ainsi relooké avec un nouveau logo en forme de fleur verte et tente de faire oublier son nom, British Petroleum, reconverti en un habile « Beyond Petroleum ». Total chante les vertus de ses énergies éoliennes dans des champs de blé ondoyant sous le vent, et tant pis pour l' « Erika »... Leroy-Merlin nous fait rêver de maisons « où l'air est plus pur ». Renault achète des pages de publicité verte pour son programme Eco 2, histoire de rattraper la coolissime Toyota Prius, devenue le symbole de la génération DD. La déferlante est telle qu'on commence à parler de greenwashing, enfin plutôt de « blanchiment écologique » . L'Alliance pour la Planète, qui regroupe plusieurs ONG écolos, a d'ailleurs décidé de réagir en créant un Observatoire indépendant de la Publicité pour contrôler les dérives. L'Alliance a ainsi déjà mis au piquet plusieurs pubs écolo-incompatibles. On se régale ! Il y a le « moteur qui respire » de la Range Rover, les 4 x 4 étant particulièrement forts pour se la jouer nature sauvage. Les camions Iveco et leur slogan croquignolet : « Le nouveau geste pour l'environnement : rouler en camion. » Ou encore Mitsubishi qui se vante d'avoir été créé « au pays des accords de Kyoto »... Alors beaucoup de blabla et pas d'actions ? Pas si simple. « Les entreprises ont mûri sur le sujet. Il ne s'agit plus de faire du mécénat et de se donner bonne conscience. Celles qui se contentent de faire des annonces pour la galerie risquent d'avoir un retour de bâton car les ONG sont hypervigilantes ! », dit Elisabeth Laville, consultante en développement durable. Gare au ripolinage... A l'heure des boycotts sur internet, de la montée en puissance des associations de consommateurs via les blogosphères, l'information circule vite, très vite. Sans compter la multiplication des agences de notation éthique comme Vigeo, dirigée par Nicole Notat. Les fonds ISR ( comprenez investissement socialement responsable ) pullulent. Bref, les financiers commencent sérieusement à s'exciter sur le sujet. A la City, à Londres, le nouveau secteur chaud des traders, c'est la spéculation autour des crédits carbone. Julian Knight, virtuose spécialiste du secteur, confirme : « Certains ont fait du 100 % l'an dernier . » L'ex-golden boy a utilisé son expertise financière pour créer une agence caritative hyperambitieuse, Global Cool, qui, outre l'organisation de concerts type Live Aid, s'est spécialisée dans le rachat de crédits carbone.« Mais nous, nous les retirerons du marché . Le but est de faire monter le cours à terme. Pour qu'il soit effectivement de plus en plus avantageux pour les entreprises de réduire leurs émissions . » Le capitalisme sauce verte...


L'autre avantage d'avoir une stratégie spéciale DD ? « C'est une façon de souder le personnel en interne. Et d'attirer la nouvelle génération de jeunes diplômés », dit Thierry Maillet, auteur de « Génération participation ». Ce n'est pas l'agence BBDO, qui vient de créer la filiale Citizen qui va se charger des questions « éthiques », qui le démentira : « Si vous saviez toutes les candidatures qu'on a. Tous les HEC et autres qui postulent demandent cette filiale ! », dit Pascal Couvry, de BBDO. En fait, c'est bête comme chou. Les entreprises ont compris que la stratégie DD, c'était tout bénef : ça peut faire du bien à leur bilan, leur gestion du personnel et leur Shareholder Value . « Et de toute façon , ce sont leurs futurs marchés et leurs marges qui sont en jeu ! » dit Elisabeth Laville. Prenez le secteur des cosmétiques. Depuis les offensives des associations de consommateurs sur la nocivité de certains produits, comme le paraben contenu dans les crèmes de beauté, on s'agite frénétiquement pour développer la niche bio. Le rouleau compresseur L'Oréal, machine de guerre marketing, a racheté l'an dernier à prix d'or Body Shop, célèbre pour ses crèmes pour pieds à la menthe venue de Côte-d'Ivoire, 100 % équitable, et ses onguents beurre de cacao total-DD. « Et on a également racheté Sanoflore, un spécialiste de la cosmétique bio. A terme, on espère que les innovations de leurs labos pourront être utilisées dans nos produits grand public », explique-t-on chez L'Oréal. Même offensive dans la mode, où l'on ne jure plus que par les nouvelles fibres écolos renouvelables ( ça tombe bien, les matières synthétiques coûtent de plus en plus en cher avec la hausse du pétrole !). Très tendance dans les magazines féminins, la fibre de bambou, l'ortie, voire le chanvre. Les aventureux essaieront les chaussettes en maïs fermenté ou les matières à base d'algues et de bois de la marque Ekyog, qui en plus auraient des « vertus anti-inflammatoires et antidémangeaisons ». Des produits réservés aux biocoops et autres repaires DD ? Même pas. Aujourd'hui, les shoppeuses les plus insouciantes de leurs empreintes carbone ne peuvent plus passer à côté du phénomène : Celio ou H & M viennent par exemple de lancer leur propre ligne en coton bio et équitable. « Rajouter la dimension écolo , c'est une façon de valoriser l'acte d'achat . C'est pour cela que nous parlons d'ego-logie », dit ainsi François Lamotte, de l'agence W et Cie. Et tant pis pour les « décroissants », les militants de la non-consommation et autres « no-logo » qui n'ont plus que leurs yeux pour pleurer ! L'individu CO 2-correct n'a pas l'intention d'aller se réfugier dans le Larzac, mais plutôt de flâner en toute bonne conscience dans les centres commerciaux. Moins consommer ? Tu parles ! Bienvenue dans l'ère de l'écologie de marché.

Doan Bui
Le Nouvel Observateur

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