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samedi 30 juin 2007

La bulle verte grossit

Quand la finance américaine mise sur les « clean techs »

Le président Bush néglige la lutte contre le réchauffement climatique. Mais le business, lui, « verdit » : les profits de demain sont dans le développement durable


De notre correspondant aux Etats-Unis

Etre salué par Bono devant 20 000 fans en délire, voilà qui n'arrive pas souvent aux businessmen milliardaires. C'est pourtant ce qui s'est passé à l'Oakland Arena, quand le chanteur de U 2 a lancé au public : « Je veux remercier... John Doerr. » La plupart des ados présents ont dû se demander qui était ce John Machin. Les autres ont souri : Doerr, le venture capitalist le plus puissant de la Silicon Valley, canonisé par une pop star ! Belle consécration pour l'icône de la révolution écolo qui enfièvre la Silicon Valley. Kleiner Perkins, son entreprise de capitalrisque, a investi 200 millions de dollars dans une quinzaine de start-up de clean tech, ces technologies propres qui, prophétise Doerr, « représentent sans doute l'opportunité économique la plus grande du XXI e siècle ».
Outrancier ? Cherchez dans la presse américaine, vous n'entendrez presque jamais parler de « bulle verte ». Le terme évoque une comparaison avec la bulle internet qui laisse les Américains sceptiques. Oui, les capitalistes se ruent sur des embryons de sociétés qui ne feront pas de profits avant des années, à supposer qu'elles survivent. Mais l'enthousiasme pour le clean tech n'a rien d'une mode passagère : c'est toute l'Amérique qui s'est prise de passion pour la lutte contre le réchauffement de la planète. Au Congrès, plus de 12 propositions de lois sont en discussion ; dans les Etats, plus de 300. A l'Ouest, Schwarzenegger a pris la tête de la croisade en signant une « loi sur les solutions au réchauffement de la planète » qui prévoit de réduire de 20 % les émissions de gaz à effet de serre d'ici à 2020, et de 80 % d'ici à 2050. A l'Est, Michael Bloomberg veut faire de sa ville de New York une ville exemplaire, tandis que les Etats de la Nouvelle-Angleterre se sont eux aussi fixé des objectifs de réduction ambitieux.


Dans les entreprises, la compétition est engagée pour décrocher la timbale du groupe le plus vert. Certains groupes, comme General Electric, sont encore loin d'avoir accordé leurs pratiques avec leurs beaux discours. Mais d'autres ont pris le taureau par les cornes. Ray Anderson, le PDG d'Interface, géant mondial de la moquette, a transformé de fond en comble « une compagnie qui était tellement gourmande en produits pétroliers qu'on aurait pu la considérer comme faisant partie de l'industrie chimique », dit-il. Après onze ans d'efforts, Interface a réduit de 56 % ses émissions de gaz à effet de serre, tandis que la consommation d'eau a diminué des deux tiers. Son objectif : un impact nul sur l'environnement d'ici à 2020. Autrement dit, « ne rien prendre à la Terre qui ne soit rapidement et naturellement renouvelable, et ne pas endommager la biosphère » . Cerise sur le gâteau, la croisade écolo d'Interface a été« incroyablement bénéfique sur le plan des affaires », confie Anderson, faisant écho à ce que prédit Schwarzenegger : la Californie, sixième économie mondiale, régnera demain sur les technologies propres comme elle domine aujourd'hui l'entertainment ou le high-tech. Derrière cette vogue écolo qui balaie l'Amérique et remplit les numéros spéciaux des magazines couve un débat qui promet d'être animé. Il ne s'agit plus du débat sur la réalité du global warming : Bush, qui a fait perdre huit ans au pays en niant la réalité du phénomène, n'a plus aucune crédibilité sur la question, et sa demi-conversion sur le tard ne suscite que les ricanements. Non, le vrai bras de fer se joue entre ceux qui préconisent une solution technologique, sans effort exagéré de la part de l'Américain moyen, et ceux qui crient à l'urgence et à la nécessité de réformer en profondeur une société de gaspillage. Schwarzie, le VRP du green tech, se situe plutôt dans le premier camp ; Gore, le « Goracle » qui sonne le tocsin, dans le second. Il a qualifié de « disgrâce déguisée en succès » le sommet du G 8, et il juge inadéquats les textes en discussion au Congrès si l'on veut réduire spectaculairement les émissions de gaz à effet de serre d'ici à 2050.


Les dernières statistiques lui donnent raison : la consommation d'essence ( 541 milliards de litres !), de charbon et d'électricité continuera à augmenter de 1 % à 2 % cette année aux Etats-Unis. Le prix du litre de super s'est envolé, le pays dépense 1, 25 milliard de dollars chaque jour pour faire le plein, trois fois plus qu'il y a cinq ans ; mais malgré cela, les conducteurs avalent 8 % de kilomètres de plus qu'il y a cinq ans. Al Gore peut reprendre son bâton de pèlerin - l'Amérique est très, très loin du compte.

Philippe Boulet-Gercourt
Le Nouvel Observateur

Charles, le prince vert

ICÔNE ÉCOLO

Avant, le prince Charles était considéré comme un vieux garçon un peu ringard. Avec ses costumes surréels, ses lubies sur l'agriculture biologique, « le prince qui parlait aux plantes », comme l'avait surnommé la presse britannique, était à peine sortable. Les rustres ! Ils n'avaient pas compris à quel point « HRH »(« His Royal Highness », Sa Royale Majesté ) était un visionnaire ! Car aujourd'hui l'Europe découvre qu'elle a, elle aussi, son Al Gore. L'héritier du trône est devenu l'icône de la planète écolo. A tel point que le Musée Madame-Tussauds vient de dévoiler une nouvelle statue écologiquement correcte du prince ( la cire a été recyclée de l'ancien modèle et les ajouts sont en cire d'abeille 100 % bio ). Couronné du prix du Global Environment Citizen de Harvard, Charles fraie désormais avec Al Gore, Meryl Streep et toutes les stars vertes du moment. Et il n'hésite pas à haranguer les entreprises. Récemment il a rencontré les PDG de Wal-Mart et de Tesco pour leur demander de réfléchir sur un étiquetage de leurs produits qui détaillerait la provenance, histoire de faire réfléchir les consommateurs aux gaspillages énergétiques occasionnés par ces haricots du Chili ou ces kiwis de Nouvelle-Zélande.
Cela fait un petit bout de temps que le « green prince » se passionne pour l'environnement. Businessman à ses heures, il a flairé le filon avant tout le monde. En 1990, il crée sa société Duchy Originals qui propose des cookies, des confitures, des cosmétiques et toute une gamme certifiée 100 % bio : tout vient de fermes ou directement de Highgrove, la résidence d'été de ce prince-farmer. Et ça marche : la société a engrangé 2, 3 millions de dollars de profits l'an dernier. « Sa Majesté est très impliquée dans le choix des produits. Surtout les cookies, qu'elle affectionne particulièrement . Elle a peint elle-même certaines des étiquettes », nous racontait ainsi Belinda, la patronne opérationnelle de Duchy Originals.


Le prince de Galles s'emploie aussi à donner le bon exemple. Il a commandité un audit « empreinte carbone » de tout le train de vie de la famille royale et s'est engagé à réduire de 25 % ses émissions. Les résidences princières ont été converties à l'énergie verte, sa Jaguar et sa Land Rover ne roulent plus qu'en biodiesel et resteront de toute façon, c'est promis, plus souvent au garage, le prince s'étant engagé à prendre le train autant que possible. Mais voilà, Charles, invité partout dans le monde pour ses obligations royales, a couvert 115 000 kilomètres et donc généré 32, 5 tonnes de CO 2 l'an dernier. Impitoyable, la presse britannique ne s'est donc pas privée d'épingler notre pauvre Charles, l'accusant d'être allé chercher son prix environnemental aux Etats-Unis en avion, alors qu'une vidéoconférence aurait fait l'affaire. Même polémique pour les vacances annuelles au ski à Klosters en Suisse. Exemplaire, Charles a finalement décidé d'annuler le voyage. Tout comme il a renoncé aux matchs de polo : pour des raisons d'agenda, il devait s'y rendre en hélico... Impossible ! En fait, le seul talon d'Achille de notre champion vert, c'est sa femme, Camilla. En mai, la duchesse de Cornouailles n'a pas eu le courage de renoncer au jet privé et au plaisir d'une croisière en Grèce. Le prince est resté tout seul en Angleterre, dans sa résidence bio de Highgrove. C'est dur d'être un héros.

Doan Bui
Le Nouvel Observateur

Etes-vous « créatif culturel »?

Comme 38 % des Français...

Etes-vous « créatif culturel »?

Ils mangent bio, consomment durable et fascinent les stratèges du marketing. Portrait d'une avant-garde très convoitée

C'est une tribu au nom malsonnant, dont vous êtes peut-être membre sans le savoir. On les appelle « créatifs culturels », et s'ils ne font pas la une des journaux, les cabinets de tendance planchent très sérieusement sur leurs us et coutumes. A la pointe du buycott ( l'achat responsable ), les « créa cul » mangent plus de légumes que de viande, achètent souvent bio, souvent équitable, privilégient les lessives écolos, les ampoules basse consommation et n'aiment ni les emballages ni le dernier cri en matière de high-tech. Ils regardent peu la télé, lisent des romans, pratiquent le bénévolat et les activités artistiques...
Grande est la tentation de réduire cet escadron vertueux à une énième variante des bobos. Mais voilà : leur existence est attestée par une très sérieuse enquête sociologique, qui fut d'abord menée aux Etats-Unis à la fin des années 1990. Un peu par hasard, Paul H. Ray et SherryAnderson découvrent cette catégorie de citoyens qui, sans s'être concertés, inventent une culture commune de vie et de consommation ( d'où « création culturelle ») hors des clous de l'American way of life . Selon les deux chercheurs, ces énergumènes représenteraient quand même un quart de la population yankee.
Leur livre ( 1 ), paru en 2000, a donné des idées à une fondation européenne, le Club de Budapest : importer le questionnaire sur le Vieux Continent, pour voir si la proportion est la même. Les résultats de l'enquête hexagonale, supervisée par le sociologue Jean-Pierre Worms, viennent de tomber ( 2 ). Ils révèlent que, chez nous, les « créa cul » représentent, en comptant large, 38 % des citoyens. Un chiffre énorme... mais pas tant que ça.


Car les créatifs culturels ne sont pas des fanatiques. Et si, dans leurs rangs, on trouve des adeptes de la décroissance, ce mouvement écolo radical qui prône de consommer moins pour épargner la planète, l'étude montre un tout autre visage : celui de personnes soucieuses surtout de consommer différemment. Une philosophie partagée par une mouvance, le Mouvement Vraiment durable ( MVD ) un think tank français de pro motion du développement durable, qui a un parrain de marque, le philosophe Gilles Li povetsky, grand théoricien de l' « hyperconsommation ». Leur credo, résumé par le président du MVD, Alexis Botaya : « Les décroissants posent les bonnes questions mais, soyons honnêtes , donnent des réponses impraticables. Peut-être que, dans le futur, on consommera moins. En attendant, il faut surtout tâcher de consommer mieux. »
Une idée prônée outre-Atlantique par les nombreux adeptes du site d'information écolo treehugger. com, que les médias américains surnomment la « CNN verte ». Leur gourou, le beau Graham Hill, a un objectif clair : « Améliorer votre qualité de vie tout en réduisant les impacts négatifs sur l'environnement . » En somme, le beurre ( bio ) et l'argent du beurre.

( 1 ) « L'Emergence des créatifs culturels », Editions Yves Michel. ( 2 ) « Les Créatifs culturels en France », Editions Yves Michel.

Arnaud Gonzague
Le Nouvel Observateur

Un si bio mariage

L ' AMOUR « ÉCOSEXUEL »

On connaissait le métrosexuel ( le garçon qui s'épile le torse et se tartine de trois crèmes anti-radicaux libres ), l'übersexuel ( le supermâle tout poilu trop viril pour utiliser du déodorant ). Bienvenue à l'écosexuel, le nouveau concept qui fait fureur dans le milieu du dating ! Un spécimen humain à se faire pâmer de désir puisque, tous les socioexperts vous le diront, le vert n'a jamais été aussi tendance qu'aujourd'hui. Notre écosexuel est donc un être socioresponsable, qui mange bio et équitable, adepte de couches lavables et de voitures hybrides. Un mix de Nicolas Hulot et d'Al Gore. Plus sexy, tu meurs !
Aux Etats-Unis, les sites de rencontres certifiés écosexuels fleurissent déjà comme les cerisiers - sans OGM - au printemps. Sur Earth Wise Singles, vous aurez la garantie de rencontrer des « amis de notre mère la Terre », des fans de « jardinage organique », tous « concernés par les droits de l'homme et la paix dans le monde ». Sur Green-Passions ( Passions vertes, cela ne s'invente pas ), on vous promet du dating 100 % green, avec la photo d'un monsieur qui étreint un arbre. Plus pointu, Vegan Passions ( Passions végétariennes ) vous permet de consulter une galerie de photos de célibataires végétariens. Gare cependant ! Rencontrer l'âme soeur écologique n'est pas une mince affaire. Le « San Francisco Magazine » raconte ainsi les déboires de Rachel, très à cheval sur la verte étiquette. Pas question pour elle de flirter avec quelqu'un qui ne recycle pas. Elle admet à la limite le port de chaussures en cuir - une matière animale, beurk ! -, mais à condition que le candidat pense sérieusement à se dégoter une paire en chanvre. La miss s'était trouvé l'homme de ses rêves, mais - horreur ! - un jour, au petit-déjeuner, il s'était commandé du bacon et avait mis de l'aspartame dans son café ! Elle a rompu.


Une fois l'âme soeur dénichée arrive alors vite l'épineux problème du mariage. Heureusement, les wedding planners spécialisés dans l'éthique et le bio sont là pour vous aider. Le business explose : aux Etats-Unis, le premier Salon du Mariage bio aura lieu à Seattle en janvier 2008. Même folie en Grande-Bretagne, où le vert est le nouveau blanc. Au programme de la fête ? Une robe en coton équitable, ou au moins chinée d'occasion, histoire de faire la chasse au gaspi. Des petits fours bio, of course. Des fairepart en papier recyclé ( ou mieux, juste des e-mails ). Un système de covoiturage pour les invités. Et évidemment les mariés proposeront de compenser les émissions de carbone inévitables en ce jour béni ( ben oui, faut bien déplacer les tantes, papis et mamies, et tous les copains, le mariage en vidéoconférence, c'est pas trop convivial ) grâce à des donations ou en offrant la plantation d'un arbre par invité ! Surtout pas de lancers de confettis ! « Préférer le millet organique », nous conseille ainsi l'un des innombrables blogs consacrés à la question.
La France compte elle aussi déjà quelques adeptes du mariage bio. « Mais pour l'instant ils doivent plutôt faire appel au système D. C'est pour cela que nous avons décidé de nous lancer sur ce créneau », explique Anne-Sophie Lesage, de l'agence de wedding planner Histoires d'envie. Mike Metz, 33 ans, s'est lui aussi mis à organiser des événements écologiquement corrects, mariages, séminaires, etc ., avec son agence Passeurs d'Ethique. Il est directement impliqué dans l'histoire car il prépare depuis deux ans sa propre noce bio, qui aura lieu début juillet : une célébration 100 % verte avec dons d'arbres sur la liste, légumineuses oubliées au menu ( pour préserver la biodiversité ) et tutti quanti... Son voyage de noces ? « On hésite entre le Bhoutan en train et en vélo , ou l'Australie en bateau. On prendra trois à quatre mois... »


Mike est un vrai écosexuel qui refuse la consommation « conventionnelle » . « Chez nous, on a presque tout en alternatif, cosmétiques , nourriture, vêtements ... » Sa seule entorse ? « Notre maison. C'est du béton , on l'a réaménagée avec un système d'aérothermie , beaucoup moins glouton en énergie , mais on n'est pas satisfait. On réfléchit sérieusement à se faire construire une maison en bois. » Mike et sa future femme sont des héros. Ils ont deux enfants en bas âge et ils utilisent des couches lavables, sacrifice ultime ! « Juste une question d'organisation », réplique modestement Mike, qui avoue que sa future femme était moins « radicalement engagée » que lui et que sa conversion a été « progressive » . Novice, elle a encore quelques « mauvais réflexes ». Comme celui d'acheter du maïs en conserve. « Même bio, il n'est pas toujours certifié sans OGM ! »,
rappelle Mike. C'est tout un art, d'être écosexuel...

Doan Bui
Le Nouvel Observateur

Consommer intelligent !

Bio, éthique et durable

Nous sommes tous schizophrènes. Consommateurs, mais aussi citoyens effarés par la dégradation de notre environnement, les inégalités de la mondialisation et la menace du réchauffement climatique. La solution ? Consommer mieux. Mais oui, c'est possible ! Sans renoncer à la qualité et au style, comme le prouve le supplément guide proposé par « le Nouvel Obs » pour s'y retrouver dans une offre foisonnante... Et pour décrypter la stratégie des multinationales qui, elles aussi, se lancent à la poursuite des « alterconsommateurs »

C'est un gentil pingouin vert avec un gros M sur lui... Pour sa mascotte, l'enseigne citybobo Monoprix a choisi l'animal le plus tendance du moment. Entre « la Marche de l'empereur » et « Happy Feet », on se demandait pourquoi ce bipède dandinant enflammait les coeurs. La réponse était sur le site de Monoprix : le manchot, « personnage emblématique et attendrissant » dont « le mode de vie n'est pas sans rappeler le nôtre » ( ah bon ?), est l'un de ceux qui souffrent le plus des atteintes à l'environnement. Cette première victime collatérale du réchauffement climatique est donc tout simplement l'emblème de l'engagement de Monoprix en faveur de la génération DD. DD, comme développement durable. Oubliez la semaine du blanc ! Cette année, c'est la semaine du vert, alias la semaine génération DD, qui a fait le plus grand tintamarre promotionnel. Car chez Monoprix on ne jure plus que par le vert : l'enseigne a été la première à mettre en avant les Max Havelaar et compagnie, mais elle a son propre label, Monoprix Bio et Monoprix Vert. Elle a sa ligne d'habits en coton bio et équitable, qui font un carton ( + 50 % en 2006 ). Ses voitures de livraison roulent au gaz naturel. Vive les pingouins, décidément... On les appelle les DD. Les alterconsommateurs. Les « créa cul » - pour « créatifs culturels » ( lire notre encadré p. 14 ) . Ou, plus pointu, les lohas : Lifestyles of Health and Sustainability ( modes de vie autour de la santé et du développement durable ), un nouveau mouvement qui fait fureur aux Etats-Unis et au Japon, où se multiplient les cafés et les magazines lohas. « Aux Etats-Unis , le marché loha représente au bas mot 200 milliards de dollars : plus aucune marque ne peut désormais l'ignorer », dit ainsi Gwyne Rogers, de Natural Marketing Institute, un institut d'études américain. Qui va lancer une étude - encore une ! - sur les lohas européens. Une tribu qu'on ne peut désormais plus rater. En témoigne l'ouverture début juin de Whole Foods Market, à Londres, le plus grand supermarché bio d'Europe, avec queues interminables et scènes d'émeutes et de piaillements. Qui aurait cru que les couches sans chlore et les pains au millet biologique déclencheraient la même frénésie que Kate Moss chez TopShop ou Lagerfeld chez H & M ? Qu'on se le dise, être écolo est au top de la tendance. Regardez Al Gore. Depuis qu'il s'est métamorphosé en héraut anti-CO 2, l'ex-loser à la présidentielle est désormais « la nouvelle rock star américaine » pour le « Washington Post ». Fêté aux Oscars pour son documentaire, Gore est devenu le chouchou du milieu de la mode, qui se l'arrache pour ses défilés : le designer Marc Jacobs vient même de sortir des tee-shirts « Al Save Us » ! Les stars en tout cas votent déjà pour Al. Le magazine glamour « Vanity Fair » a consacré au printemps un numéro spécial vert aux célébrités les plus écolos. George Clooney, Robert Redford, ou bien Leonardo DiCaprio, dont le prochain film, « la 11 e Heure », est consacré au réchauffement climatique : l'idole des filles est aussi total-DD dans sa vie, il roule en hybride, s'est converti à l'énergie solaire... En Angleterre, les ravissantes Heather Graham et Sienna Miller ne jurent plus que par le CO 2 workout , le régime anti-CO 2, qui vous fait réduire non votre apport calorique, mais vos émissions de carbone. Et ce mois-ci, c'est « Rolling Stone » qui lui aussi offrait à ses lecteurs un numéro vert : ozone, sex and rock'n'roll.


S'afficher plus vert que vert ? Les grandes entreprises ont entendu le message. Le pétrolier BP s'est ainsi relooké avec un nouveau logo en forme de fleur verte et tente de faire oublier son nom, British Petroleum, reconverti en un habile « Beyond Petroleum ». Total chante les vertus de ses énergies éoliennes dans des champs de blé ondoyant sous le vent, et tant pis pour l' « Erika »... Leroy-Merlin nous fait rêver de maisons « où l'air est plus pur ». Renault achète des pages de publicité verte pour son programme Eco 2, histoire de rattraper la coolissime Toyota Prius, devenue le symbole de la génération DD. La déferlante est telle qu'on commence à parler de greenwashing, enfin plutôt de « blanchiment écologique » . L'Alliance pour la Planète, qui regroupe plusieurs ONG écolos, a d'ailleurs décidé de réagir en créant un Observatoire indépendant de la Publicité pour contrôler les dérives. L'Alliance a ainsi déjà mis au piquet plusieurs pubs écolo-incompatibles. On se régale ! Il y a le « moteur qui respire » de la Range Rover, les 4 x 4 étant particulièrement forts pour se la jouer nature sauvage. Les camions Iveco et leur slogan croquignolet : « Le nouveau geste pour l'environnement : rouler en camion. » Ou encore Mitsubishi qui se vante d'avoir été créé « au pays des accords de Kyoto »... Alors beaucoup de blabla et pas d'actions ? Pas si simple. « Les entreprises ont mûri sur le sujet. Il ne s'agit plus de faire du mécénat et de se donner bonne conscience. Celles qui se contentent de faire des annonces pour la galerie risquent d'avoir un retour de bâton car les ONG sont hypervigilantes ! », dit Elisabeth Laville, consultante en développement durable. Gare au ripolinage... A l'heure des boycotts sur internet, de la montée en puissance des associations de consommateurs via les blogosphères, l'information circule vite, très vite. Sans compter la multiplication des agences de notation éthique comme Vigeo, dirigée par Nicole Notat. Les fonds ISR ( comprenez investissement socialement responsable ) pullulent. Bref, les financiers commencent sérieusement à s'exciter sur le sujet. A la City, à Londres, le nouveau secteur chaud des traders, c'est la spéculation autour des crédits carbone. Julian Knight, virtuose spécialiste du secteur, confirme : « Certains ont fait du 100 % l'an dernier . » L'ex-golden boy a utilisé son expertise financière pour créer une agence caritative hyperambitieuse, Global Cool, qui, outre l'organisation de concerts type Live Aid, s'est spécialisée dans le rachat de crédits carbone.« Mais nous, nous les retirerons du marché . Le but est de faire monter le cours à terme. Pour qu'il soit effectivement de plus en plus avantageux pour les entreprises de réduire leurs émissions . » Le capitalisme sauce verte...


L'autre avantage d'avoir une stratégie spéciale DD ? « C'est une façon de souder le personnel en interne. Et d'attirer la nouvelle génération de jeunes diplômés », dit Thierry Maillet, auteur de « Génération participation ». Ce n'est pas l'agence BBDO, qui vient de créer la filiale Citizen qui va se charger des questions « éthiques », qui le démentira : « Si vous saviez toutes les candidatures qu'on a. Tous les HEC et autres qui postulent demandent cette filiale ! », dit Pascal Couvry, de BBDO. En fait, c'est bête comme chou. Les entreprises ont compris que la stratégie DD, c'était tout bénef : ça peut faire du bien à leur bilan, leur gestion du personnel et leur Shareholder Value . « Et de toute façon , ce sont leurs futurs marchés et leurs marges qui sont en jeu ! » dit Elisabeth Laville. Prenez le secteur des cosmétiques. Depuis les offensives des associations de consommateurs sur la nocivité de certains produits, comme le paraben contenu dans les crèmes de beauté, on s'agite frénétiquement pour développer la niche bio. Le rouleau compresseur L'Oréal, machine de guerre marketing, a racheté l'an dernier à prix d'or Body Shop, célèbre pour ses crèmes pour pieds à la menthe venue de Côte-d'Ivoire, 100 % équitable, et ses onguents beurre de cacao total-DD. « Et on a également racheté Sanoflore, un spécialiste de la cosmétique bio. A terme, on espère que les innovations de leurs labos pourront être utilisées dans nos produits grand public », explique-t-on chez L'Oréal. Même offensive dans la mode, où l'on ne jure plus que par les nouvelles fibres écolos renouvelables ( ça tombe bien, les matières synthétiques coûtent de plus en plus en cher avec la hausse du pétrole !). Très tendance dans les magazines féminins, la fibre de bambou, l'ortie, voire le chanvre. Les aventureux essaieront les chaussettes en maïs fermenté ou les matières à base d'algues et de bois de la marque Ekyog, qui en plus auraient des « vertus anti-inflammatoires et antidémangeaisons ». Des produits réservés aux biocoops et autres repaires DD ? Même pas. Aujourd'hui, les shoppeuses les plus insouciantes de leurs empreintes carbone ne peuvent plus passer à côté du phénomène : Celio ou H & M viennent par exemple de lancer leur propre ligne en coton bio et équitable. « Rajouter la dimension écolo , c'est une façon de valoriser l'acte d'achat . C'est pour cela que nous parlons d'ego-logie », dit ainsi François Lamotte, de l'agence W et Cie. Et tant pis pour les « décroissants », les militants de la non-consommation et autres « no-logo » qui n'ont plus que leurs yeux pour pleurer ! L'individu CO 2-correct n'a pas l'intention d'aller se réfugier dans le Larzac, mais plutôt de flâner en toute bonne conscience dans les centres commerciaux. Moins consommer ? Tu parles ! Bienvenue dans l'ère de l'écologie de marché.

Doan Bui
Le Nouvel Observateur

Introduction

"Nous sommes tous schizophrènes. Consommateurs, mais aussi citoyens effarés par la dégradation de notre environnement, les inégalités de la mondialisation et la menace du réchauffement climatique. 
La solution ? Consommer mieux. Mais oui, c'est possible..."


Voilà le constat réaliste de la situation actuelle, notre situation à nous, consommateurs.

Merci au Nouvel Observateur d'avoir consacré un hors-série sur ce thème "vital" !

Je n'hésite pas une seconde ! Cela mérite bien un blog !
Je publie donc quelques pages de cet hors-série. D'autres articles, que je récolterais par ci par là, d'autres réflexions, d'autres idées qui me viendront à l'esprit, compléteront ce blog.

Un seul mot d'ordre, une seule envie, un seul objectif :

Plus belle, la vie !